dimanche 8 avril 2007

Laïciser la Justice

Parmi toutes les institutions issues de la révolution de 1789 et des évolutions qui lui ont suivi la justice est celle qui est le plus restée ancrée à la culture de l'ancien régime.

On est confronté à un besoin de laïciser la justice en général et le système pénale en particulier. Pour ce qui concerne le mot justice lui-même, j'adhère au combat de Dominique Wiel qui dénonce un hold-up sur une des vertus cardinales. Il soutient que ce hold-up est l'une des causes de la rigidité des magistrats : se sentir en charge du respect d'une vertu induit une culture de défense du sacré, d'une mission quasi divine, d'une auto-légitimation...

Ce retard culturel peut également s'observer dans les rituels de la justice : les robes, la cour entre et on se lève, les excuses des prévenus aux « victimes » (l'honorable amende ?). Qui dit rite, dit mise en scène, dit que tout se décide ailleurs : le procès est-il juste un spectacle pour le peuple ?

Je cite R. Badinter : « [...] le public réclame le châtiment. Et si l'institution judiciaire n'assouvissait pas le besoin de punition, cela produirait une frustration formidable, qui se porterait alors sur d'autres formes de violence. Cela dit, une fois la dramaturgie judiciaire accomplie, la substitution du traitement à la punition permet la réinsertion sans toucher au rituel. Et le tour est joué. » (Foucault - Dits et écrits II – pag. 294 – Gallimard). Quel respect pour le peuple, les victimes, les prévenus, les institutions...!

Il nous faut également « a-moraliser » la justice : dans un contexte laïc la norme devrait remplacer la Loi et elle devrait avoir pour but d'assurer le bon fonctionnement de la société et non la défense d'une morale. Dans les prétoires, dans les comparutions immédiates etc. on parle trop de morale et pas assez de loi. Sortir de la confusion entre morale et loi nous permettrait entre autres de réfléchir différemment au travail de réinsertion. Cet ensemble de réflexions nous amène à repenser le sens de l'infraction et le sens de la peine.

Tous cela ouvre sur plus de problèmes que de solutions mais on ne peut pas se cacher derrière le fait que la concepion actuelle de la peine (un peu améliorée) simplifierait les choses pour faire l'économie de ces mises en questions.

1 commentaire:

antoine a dit…

Je suis tout à fait d'accord avec toi Tito, mais je me permet quand même de soulever les objections qui me viennent. Tout d'abord si on détache le fonctionnement de l'institution judiciaire de l'idée de Justice, quelle crédibilité reste-t-il aux décisions des juges ? Comment peut on accepter un "jugement" qui se dise ouvertement dénué de Justice ? Il semble qu'on ait tous en nous une idée de justice, et qu'il serait difficile de faire fonctionner la société loin de cette idée. Voilà, alors à mon avis il faudrait expliciter encore beaucoup plus en profondeur les évolutions que nous concevons. Parler par exemple de décisions "positives" plutôt que justes, faire en tout cas un réel travail sur les termes, car ce sont eux qui sont révélateur de la réalité sous jacente.