lundi 16 avril 2007

Foucault et la prison (2) : la création du "milieu"

Réflexions à partir de la lecture de l'entretien de Michel Foucault avec K. S. Karol paru dans le Nouvel Obs' n° 585 en 1976 « Crimes et châtiments en URSS et ailleurs... » (dans Foucault – Dits et Écrits – Vol. II - Gallimard)

Réflexions à partir de la lecture de l'entretien de Michel Foucault avec K. S. Karol paru dans le Nouvel Obs' n° 585 en 1976 « Crimes et châtiments en URSS et ailleurs... » (dans Foucault – Dits et Écrits – Vol. II - Gallimard)


Deuxième partie


Le contexte

Nous sommes en 1976, un reportage Télé fait état de l'existence d'un camp de détention en pleine ville à Riga et suscite l'émoi de l'opinion publique. K. S. Karol interroge Michel Foucault sur ce sujet.


Les thèmes

Au fil de l'entretien Foucault développe trois de ses thèmes les plus récurrents autour de l'univers carcéral :
- l'instauration de la discipline comme nécessité pour le système de production industriel,
- la création du "milieu" comme élément sociologique séparé du peuple,
- la prison comme fait politique.


Par souci de' brièveté nous avons traité le premier thème dans l'article Foucault et la prison (1) : la discipline. Nous traitons ici les deux autres thèmes.Le deuxième thème est la prison comme outil de création du milieu.

Foucault développe ce thème à partir d'une réflexion du journaliste concernant le supposé mépris des prisonniers politique vis-à-vis des « droit commun ». Il soutient que la distance que les « politiques » gardent vis-à-vis des « droit commun » n'est pas due au mépris mais à la méfiance car les « droit commun » sont des complices du régime : les « politiques » doivent s'en méfier pour leur sécurité et s'en distinguer pour bien affirmer leur différence. Foucault fait le parallèle avec ce qui s'est produit au cours du XIX siècle en Europe. Dans l'ancien régime les délinquants faisaient partie du peuple, ils y étaient intégrés : le besoin de développer un esprit de discipline rendait nécessaire de les séparer du peuple socialement et culturellement. Les gens du peuple ne devaient plus les considérés comme des leurs et de plus devaient les rejeter moralement. La généralisation de la prison a été l'outil de cette séparation : la prison est devenue le lieu de séparation entre les délinquants et le peuple et de socialisation entre eux.

Par cette opération l'esprit de discipline était ainsi intériorisé chez les gens du peuple. Mais l'opération ne s'est pas limité à cela : en fait le milieu est devenu un sorte d'armée de réserve pour le pouvoir. C'est le milieu qui s'exécutait d'une série de trafics illégaux que le pouvoir ne pouvait exercer directement et de plus il fournissait la main d'oeuvre pour les basses besognes telles que monter des provocations, briser des grèves, créer des milices...

A partir de ces considérations Foucault introduit le thème de la prison comme fait politique : pour lui ce n'est pas la qualité des personnes détenues qui fait la différence, la prison ne devient pas politique quand elle garde des prisonnier politiques. Bien au contraire la prison réservée aux « droit commun » (comme l'affichent les autorités soviétiques), bien visible, en pleine ville est en elle même, par son existence même, politique dans le sens qu'elle est le symbole concret et tangible de la fonction de discipline que l'état assure.

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